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l’exil de sa voix ; elle est dans la parole comme la transparence d’une belle nuit d’été entre le jour et le jour. Monsieur Sureau traduisait assez bien cela, je crois, quand il disait que la poésie est la somnambule de la pensée et qu’il n’y a que le tourment du poète pour se trouver par l’une aussi bien que par l’autre parfaitement exprimé. Mais il lui arrivait aussi de prononcer des phrases tout à fait obscures et qui semblaient, par leur obscurité même, le plonger dans une extase que le calme admirable de ses traits me faisait partager. C’est ainsi qu’il disait : « Si je suis devenu poète, c’est pour avoir aimé d’amour une femme qui chantait sans cesse » et, comme je le priais de s’expliquer, il ajoutait : « Ma voix prend la place de mes paroles quand je les charge de tous les accents que cette folle mettait dans ses romances et surtout dans une rengaine qu’elle avait toujours à la bouche. »