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indiennes, et vous aurez une idée du sergent vélite de la Garde impériale[1].

À peine avais-je passé la revue de mon butin, que nous entendîmes, devant nous, quelques coups de fusil ; l’on nous fit prendre les armes et doubler le pas. Une demi-heure après, nous arrivâmes sur l’emplacement où un convoi, escorté par un détachement de lanciers rouges de la Garde, avait été attaqué par des partisans.

Plusieurs lanciers étaient tués, et aussi des Russes et quelques chevaux. Près d’une voiture, l’on voyait étendue à terre et sur le dos, une jolie femme, morte de saisissement. Nous continuâmes à marcher sur une route assez belle. Le soir, nous arrêtâmes et nous formâmes notre bivac dans un bois, afin d’y passer la nuit.

Le lendemain 21, de grand matin, nous nous remîmes en marche, et, dans le milieu du jour, nous rencontrâmes un parti de Cosaques réguliers, que l’on chassa à coups de canon. Après avoir marché une partie de cette journée à travers les champs, nous arrêtâmes près d’une prairie, au bord d’un ruisseau, où nous passâmes la nuit.

Le 22, nous eûmes de la pluie. L’on marcha lentement et avec peine jusqu’au soir, où nous arrêtâmes et prîmes position près d’un bois. Dans la nuit, nous entendîmes une forte explosion : nous sûmes, après, que c’était le Kremlin que le maréchal Mortier venait de faire sauter, par le moyen d’une grande quantité de poudre que l’on avait mise dans les caves. Le maréchal était parti de Moscou trois jours après nous, le 22, avec ses dix mille hommes, dont deux régiments de Jeune Garde que nous rejoignîmes, quelques jours après, sur la route de Mojaïsk. Le reste de cette journée, nous fîmes peu de chemin, quoique marchant toujours.

Le 24, nous n’étions pas loin de Kalouga. Le même jour, l’armée d’Italie, commandée par le prince Eugène, ainsi que d’autres corps que le général Corbineau commandait, se battaient, à Malo-Jaroslawetz, contre l’armée russe qui voulait nous disputer le passage. Dans cette lutte, qui fut

  1. À cause du blocus continental, le bruit courait dans l’armée que nous devions aller en Mongolie et en Chine, pour nous emparer des possessions anglaises. (Note de l’auteur.)