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commandé pour aller fourrager à quelques lieues de Moscou, dans un grand château construit en bois. Nous y trouvâmes fort peu de chose : une voiture chargée de foin fut toute notre capture. À notre retour, nous rencontrâmes la cavalerie russe qui vint caracoler autour de nous, sans cependant oser nous attaquer sérieusement. Il est vrai de dire que nous marchions d’une manière à leur faire voir qu’ils n’auraient pas eu l’avantage, car, quoi qu’étant infiniment moins nombreux qu’eux, nous leur avions mis plusieurs cavaliers hors de combat. Ils nous suivirent jusqu’à un quart de lieue de Moscou.

Le 2, nous apprîmes que l’Empereur venait de donner l’ordre d’armer le Kremlin ; trente pièces de canon et obusiers de différents calibres devaient être placés sur toutes les tours tenant à la muraille qui forme l’enceinte du Kremlin.

Le 3, des hommes de corvée de chaque régiment de la Garde furent commandés pour piocher la terre et transporter des matériaux provenant de vieilles murailles que des sapeurs du génie abattaient autour du Kremlin, et des fondations que l’on faisait sauter par la mine.

Le 4, j’accompagnai à mon tour les hommes de corvée que l’on avait commandés dans la compagnie. Le lendemain au matin, un colonel du génie fut tué, à mes côtés, d’une brique qui lui tomba sur la tête, provenant d’une mine que l’on venait de faire sauter. Le même jour, je vis, près d’une église, plusieurs cadavres qui avaient les jambes et les bras mangés, probablement par des loups ou par des chiens ; ces derniers se trouvaient en grande quantité.

Les jours où nous n’étions pas de service, nous les passions à boire, fumer et rire, et à causer de la France et de la distance dont nous étions séparés, et aussi de la possibilité de nous en éloigner encore davantage. Quand venait le soir, nous admettions dans notre réunion nos deux esclaves moscovites, je dirai plutôt nos deux marquises, car, depuis notre bal, nous ne leur disions plus d’autres noms, qui nous tenaient tête à boire le punch au rhum de la Jamaïque.

Le reste de notre séjour dans cette ville se passa en revues et parades, jusqu’au jour où un courrier vint annoncer à l’Empereur, au moment où il était à passer la revue de plu-