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J’avais prolongé mon appel jusqu’à onze heures, à cause des absents, pour ne pas les porter manquants ; effectivement, ils rentrèrent un instant après, ployant sous leur charge. Parmi les objets remarquables qu’ils rapportèrent, il se trouvait plusieurs plaques en argent, avec des dessins en relief ; ils apportaient aussi chacun un lingot du même métal, de la grosseur et de la forme d’une brique. Le reste consistait en fourrures, châles des Indes, des étoffes en soie tissée d’or et d’argent. Ils me demandèrent encore la permission de faire, de suite, deux autres voyages, pour aller chercher du vin et des fruits confits, qu’ils avaient laissés dans une cave : je la leur accordai, un caporal les accompagna. Il est bon de savoir que, sur tous les objets qui avaient échappé à l’incendie, nous autres sous-officiers prélevions toujours un droit au moins de vingt pour cent.

Le 22 fut consacré au repos, à augmenter nos provisions, à chanter, fumer, rire et boire, à nous promener. Le même jour, je fis une visite à un Italien, marchand d’estampes, qui restait dans notre quartier, et dont la maison n’avait pas été brûlée.

Le 23 au matin, un forçat fut fusillé dans la cour du café. Le même jour, l’ordre fut donné de nous tenir prêts, pour le lendemain matin, à passer la revue de l’Empereur.

Le 24, à huit heures du matin, nous nous mîmes en marche pour le Kremlin. Lorsque nous y arrivâmes, plusieurs régiments de l’armée y étaient déjà réunis pour la même cause ; il y eut, ce jour-là, beaucoup de promotions et beaucoup de décorations données. Ceux qui, dans cette revue, reçurent des récompenses, avaient bien mérité de la patrie, car plus d’une fois ils avaient versé leur sang au champ d’honneur.

Je profitai de cette circonstance pour visiter en détail les choses remarquables que renfermait le Kremlin. Pendant que plusieurs régiments étaient occupés à passer la revue, je visitai l’église Saint-Michel, destinée à la sépulture des empereurs de Russie. Ce fut dans cette église que, les premiers jours de notre arrivée, croyant y trouver des grands trésors que l’on disait y être cachés, des militaires de la Garde, du 1er de chasseurs, qui étaient restés de piquet au Kremlin, s’y étaient introduits, avaient parcouru des caveaux