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deux femmes debout qui semblaient lui imposer silence ; comme je comprenais quelques mots de la langue polonaise, qui a beaucoup de rapport avec la langue russe, je frappai une seconde fois, et je demandai de l’eau ; pas de réponse. Mais, à la seconde demande, que j’accompagnai d’un grand coup de pied dans la porte, l’on vint m’ouvrir.

Alors j’entrai ; les deux femmes, en me voyant, se sauvèrent dans une autre chambre. Je commençai par fermer la porte par où j’étais entré ; l’individu couché sur le canapé ne bougeait pas ; je le reconnus, de suite, pour un forçat de la figure la plus ignoble et la plus sale, ainsi que sa barbe et tout son accoutrement, composé d’une capote de peau de mouton serrée avec une ceinture de cuir. Il avait, à côté de lui, une lance et deux torches à incendie, plus deux pistolets à sa ceinture, objets dont je commençai par m’emparer. Ensuite, prenant une des torches qui était grosse comme mon bras, je lui en appliquai un coup sur le côté, qui lui fit ouvrir les yeux. L’individu, en me voyant, fit un bond comme pour sauter après moi, mais il tomba de tout son long. Alors je lui présentai le bout d’un des pistolets que je lui avais pris ; il me regarda encore d’un air stupide, et, voulant se relever, il retomba. À la fin, il parvint à se tenir debout. Voyant qu’il était ivre, je le pris par un bras et, l’ayant fait sortir de la chambre, je le conduisis au bout de la galerie qui séparait les chambres, et lorsqu’il fut sur le bord de l’escalier qui était droit comme une échelle, je le poussai : il roula jusqu’en bas comme un tonneau, et presque contre la porte du corps de garde de la police, qui était en face de l’escalier. Les hommes de garde le traînèrent dans une chambre destinée pour y enfermer tous ceux de son espèce que l’on arrêtait à chaque instant ; enfin, je n’en entendis plus parler.

Après cette expédition, je retournai à la chambre et je m’y enfermai, et, ayant encore regardé si rien ne pouvait me nuire, j’ouvris la porte de la seconde chambre où j’aperçus, en entrant, les deux Dulcinées assises sur un canapé. En me voyant, elles ne parurent pas surprises ; elles me parlèrent toutes deux à la fois ; je ne pus jamais rien comprendre. Je voulus savoir si elles avaient quelque chose à manger ; elles me comprirent parfaitement, car aussitôt elles