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avant, j’avais eu la précaution de faire mettre de côté les deux tailleurs, père et fils, et cela pour notre compte ; ils nous furent, comme l’on verra, très utiles pendant notre séjour à Moscou.

Le 20, l’incendie s’était un peu ralenti ; le maréchal Mortier, gouverneur de la ville, avec le général Milhaud, nommé commandant de la place, s’occupèrent activement d’organiser une administration de police. L’on choisit, à cet effet, des Italiens, des Allemands et Français habitant Moscou, qui s’étaient soustraits, en se cachant, aux mesures de rigueur de Rostopchin, qui, avant notre arrivée, faisait partir les habitants malgré eux.

À midi, en regardant par la fenêtre de notre logement, je vis fusiller un forçat ; il ne voulut pas se mettre à genoux ; il reçut la mort avec courage et, frappant sur sa poitrine, il semblait défier celui qui la lui donnait. Quelques heures après, ceux que nous avions conduits subirent le même sort.

Je passai le reste de la journée assez tranquille, c’est-à-dire jusqu’à sept heures du soir, où l’adjudant-major Delaitre me signifia de me rendre aux arrêts dans un endroit qu’il me désigna, pour avoir, disait-il, laissé échapper trois prisonniers que l’on avait confiés à ma garde ; je m’excusai comme je pus, et je me rendis dans l’endroit que l’on m’avait indiqué ; d’autres sous-officiers y étaient déjà. Là, après avoir réfléchi, je fus satisfait d’avoir sauvé trois hommes, dont j’étais persuadé qu’ils étaient innocents.

La chambre dans laquelle j’étais donnait sur une grande galerie étroite qui servait de passage pour aller dans un autre corps de bâtiment, dont une partie avait été incendiée, de manière que personne n’y allait, et je remarquai que la partie qui était conservée n’avait pas encore été explorée. N’ayant rien à faire, et naturellement curieux, je m’amusai à parcourir la galerie. Lorsque je fus au bout, il me sembla entendre du bruit dans une chambre dont la porte était fermée. En écoutant, il me sembla entendre un langage que je ne comprenais pas. Voulant savoir ce qu’elle renfermait, je frappai. L’on ne me répondit pas, et le silence le plus profond succéda au bruit. Alors, regardant par le trou de la serrure, j’aperçus un homme couché sur un canapé, et