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de l’an 1813, et que je l’attendais à passer la journée chez moi. Il regarda dans une glace comment était sa figure, ensuite il décida qu’il viendrait : effectivement il allait bien, il n’avait fait que changer de peau. Comme il ne connaissait pas mon logement, il fut convenu que je le prendrais à onze heures, en face du palais du roi Murat ; ensuite nous nous disposâmes à retourner chez nous. Mais il était tombé une si grande quantité de neige, que nous fûmes obligés de louer un traîneau. Nous arrivâmes à notre logement, moi avec un grand mal de tête et un peu de fièvre, suite de la fête de la veille.

Mme  Gentil avait été inquiété de mon absence ; sa domestique avait attendu jusqu’à minuit. Je lui témoignai toute la peine que j’éprouvais, mais le mauvais temps fut mon excuse. Je lui dis que, le lendemain, j’aurais deux amis à dîner ; elle me répondit qu’elle ferait ce qu’il conviendrait pour que je sois content : c’était dire qu’elle voulait en faire les frais. Ensuite elle me donna de la graisse très bonne, disait-elle, pour les engelures ; elle prétendit que j’en fisse usage de suite. Je me laissai faire ; elle était si bonne, Mme  Gentil ! D’ailleurs les Allemandes étaient bonnes pour nous.

Je passai le reste de la journée sans sortir, presque toujours couché, recevant les soins et les consolations de mon aimable hôtesse.

Le soir étant venu, je pensais à ce que je pourrais lui donner pour cadeau du jour de l’an. Je me promis de me lever de grand matin et de voir, chez quelques juifs, si je ne trouverais pas quelque chose. Ensuite, je me couchai avec l’idée de passer une bonne nuit, car la soirée de la veille m’avait fatigué.

Le lendemain, 1er  janvier 1813, neuvième jour de notre arrivée à Elbing, je me levai à sept heures du matin pour sortir, mais avant, je voulus voir ce qui me restait de mon argent : je trouvai que j’avais encore 485 francs, dont plus de 400 francs en or, et le reste en pièces de cinq francs. Partant de Wilna, j’avais 800 francs ; j’aurais donc dépensé 315 francs ? La chose n’était pas possible ! C’est qu’alors j’en avais perdu ; à cela rien d’étonnant, mais je me trouvais encore bien assez riche pour dépenser 20 à 30 francs, s’il le fallait, afin de faire un cadeau à mon aimable hôtesse.