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Lorsque nous fûmes réchauffés et un peu reposés, nous nous disposâmes, en attendant la soupe, à faire une visite au champ de bataille, que nous parcourûmes en partie. Nous vîmes plusieurs monuments funèbres, c’est-à-dire de simples croix en bois ; nous en remarquâmes particulièrement une avec cette inscription : « Ici reposent vingt-neuf officiers du brave 14me de ligne, morts au champ d’honneur[1] ».

Après quelques observations sur l’emplacement des troupes, le jour de cette terrible bataille, nous entrâmes en ville, qui nous parut déserte. Il est vrai que c’était un dimanche ; que les habitants étaient, vu la saison, renfermés chez eux, et que nous nous trouvions les seuls Français, les autres ayant pris une autre direction.

Rentrés à notre logement, en attendant que notre repas fût fait, nous nous étendîmes sur la paille. À peine y étions-nous, qu’un vétéran prussien entra pour nous prévenir qu’on apercevait les Cosaques sur une hauteur, à un quart de lieue de la ville, et qu’il nous conseillait de partir au plus tôt. Comme la chose n’était que trop vraie, nous nous dépêchâmes de faire nos dispositions de départ ; nous enveloppâmes dans de la paille notre viande, qui n’était pas à moitié cuite.

Nous partîmes avec notre paysan pour nous mettre dans le bon chemin. Lorsque nous y fûmes, il nous fit remarquer les Cosaques sur une hauteur : ils étaient plus de trente. Le temps était brumeux ; la neige ne manqua pas de tomber un instant après notre départ. Nous n’avions pas encore fait une demi-lieue que la nuit nous surprit. Nous rencontrâmes deux paysans. Nous leur demandâmes s’il y avait encore loin pour trouver un village. Ils nous dirent qu’avant d’en trouver, il fallait traverser un grand bois ; que nous trouverions à notre droite, à vingt-cinq pas de la route, une maison qui était celle d’un garde forestier qui tenait auberge, et que nous pourrions y loger. Après une petite demi-heure de marche, nous arrivâmes à la maison indiquée : il était neuf heures ; nous avions fait quatre lieues.

  1. Plus cinq cent quatre-vingt-dix sous-officiers et soldats. (Note de l’auteur).