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chaudement, ne se pressaient pas de sortir de leur logement. Deux ou trois tambours, qui restaient encore de ceux de la Garde, battirent la grenadière pour nous, et la carabinière pour les chasseurs. Lorsque nous fûmes dans la rue, nous remarquâmes qu’il faisait moins froid que la veille. Nous vîmes venir un traîneau attelé de deux chevaux, qui s’arrêta. Il était conduit par deux juifs et chargé d’épicerie. L’idée nous vint de leur proposer de nous conduire, en payant, bien entendu, jusqu’à Darkehmen, où l’on devait aller ce jour-là, ou de nous emparer du traîneau, s’ils refusaient. D’abord ils firent quelques difficultés, sous différents prétextes. Nous leur proposâmes de payer la moitié du prix, et le reste en arrivant. Les juifs acceptèrent. Le prix étant convenu pour quarante francs, nous leur en payâmes de suite la moitié, mais comme ils ne prenaient les pièces de cinq francs que comme un thaler qui n’en vaut que quatre, cela nous fit dix francs de plus. Nous n’y regardâmes pas de si près, et imprudemment, pour nous attirer leur confiance, nous leur fîmes voir que nous avions beaucoup d’argent. Un sergent-major nommé Pierson, qui avait plusieurs pièces d’argenterie, les montra. Des ce moment, ils parlèrent hébreu, de sorte que nous ne pûmes rien comprendre de ce qu’ils disaient.

Nous étions cinq vélites, Leboude, Grangier, Pierson, Oudict et moi. Le traîneau était déchargé, les chevaux reposés, nous nous disposâmes à partir. Nous mîmes nos fusils dans le fond du traîneau et nos sacs par-dessus, et nous voilà en route. Il était plus de six heures : tous les débris de l’armée étaient déjà en mouvement, comme les jours précédents, sans organisation, sans ordre ; la confusion était telle qu’il n’y avait pas moyen de sortir de la ville. Ceux qui ne se sentaient pas la force de marcher voulaient s’emparer des traîneaux ou y prendre place.

Sortis avec bien de la peine, nous trouvâmes le même encombrement. Nos conducteurs nous firent comprendre qu’ils allaient nous conduire par un chemin à gauche, où l’on ne voyait personne, et qu’avant une heure nous aurions rejoint la grande route et dépassé la tête de colonne. Nous aurions dû demander, puisque le chemin était si bon, pourquoi d’autres conducteurs de traîneaux, qui devaient