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hourra ! » Ils nous dirent qu’au grand village, à un quart de lieue, nos camarades avaient couché et qu’ils en étaient partis afin de couper la retraite aux Français, avant qu’ils pussent atteindre le bois qui traversait la route. Ils voulurent nous faire descendre de cheval pour nous faire rafraîchir, mais, comme nous n’étions pas tranquilles, nous nous contentâmes de boire quelques verres de schnapps sans descendre. Ensuite mon frère cria « hourra ! » et nous partîmes, emportant la bouteille de schnapps et accompagnés des hourras de toute la population.

« Il pouvait être trois heures lorsque nous aperçûmes le bois devant nous, et nous n’en étions plus loin lorsque nous entendîmes la fusillade et vîmes, près d’une maison située sur le bord de la route, un combat entre les Français et la cavalerie russe. Ainsi les paysans ne nous avaient pas menti, c’étaient bien les Cosaques qui voulaient couper la retraite à la colonne des traîneurs, avant qu’elle pût atteindre le bois.

« Voyant cela, nous faisons prendre le galop à nos chevaux et, sans penser que nous ressemblons à des Cosaques, nous nous postons sur la route afin de tâcher de gagner l’entrée du bois où tous les traîneurs se précipitent. Ils nous prennent pour des Cosaques et accélèrent leur fuite. Les Cosaques, à leur tour, nous prenant pour des leurs, pensent que nous poursuivons les Français, viennent à une douzaine pour nous soutenir et entrent avec nous dans le bois. J’avais un Cosaque à ma droite, et mon frère à ma gauche ; tout le reste des Cosaques derrière moi, dont on aurait dit que j’étais le chef.

« La route était à peine assez large pour que trois cavaliers pussent marcher de front ; après avoir trotté une cinquantaine de pas, nous apercevons plusieurs officiers de chez nous qui nous barrent le passage en croisant la baïonnette et en criant à ceux qui fuyaient : « N’ayez pas peur de cette canaille, laissez-les avancer ! » Je profite de l’occasion et, ralentissant le pas de mon cheval, j’applique sur la figure du Cosaque qui était à ma droite, le plus fameux coup de sabre[1]. Il fait encore un pas et s’arrête en tournant la

  1. Le Cosaque à qui le sergent à coupé la figure d’un coup de sabre est bien celui que j’ai vu dans le bois et dont les camarades ont pansé la plaie. (Note de l’auteur.)