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même, avait les yeux sur moi. À la fin, je compris une des vieilles qui me disait de voir si l’enfant vivait encore. Alors je me décide et je lui pose ma large patte, froide comme la glace, sur son ventre brûlant. Le contact lui fit faire un bond et jeter un cri à faire trembler la maison. Ce cri est suivi d’un second : aussitôt les trois vieilles s’emparent d’elle, et, en moins de cinq minutes, tout était fini : elle venait d’accoucher d’un Prussien.

« Alors, tout fier de ma nouvelle cure, je me frotte les mains, et, comme je savais ce que l’on faisait, dans mon village, en pareille circonstance, où on lave l’enfant dans de l’eau chaude et du vin, j’en fis apporter dans une cuvette. Ensuite je demandai du schnapps. On m’en donna une bouteille ; je la goûte plusieurs fois, je prends un morceau de linge que je trempe dans l’eau chaude, je verse du schnapps dessus, j’applique cette compresse sur le bas-ventre de la jeune femme, qui s’en trouve très bien, et qui me remercie en me pressant la main.

« Je sortis escorté par les deux hommes qui m’avaient amené, et par deux des vieilles duègnes. Je fus reconduit chez le bourgmestre où l’on fit mon éloge. Mon frère le Cosaque était dans des transes, mais, en me voyant, il fut rassuré.

« J’avais encore un blessé à panser, c’était lui : je lui lavai la plaie avec de l’eau chaude, et je l’arrangeai avec un peu plus de connaissance. On nous laissa seuls. Lorsque nous fûmes certains que tout le monde dormait, je m’avançai du côté où étaient les armes, je choisis deux paires de pistolets ainsi qu’un beau sabre de chasseur et deux paquets de cartouches du calibre de nos pistolets, que nous prîmes la précaution de charger de suite. Les miens furent cachés en attendant le moment de notre départ ; ensuite, nous nous reposâmes.

« Le matin, à six heures, l’on nous apporta à manger. Cette fois, je fus traité comme le Cosaque. Pendant que nous mangions, le bourgmestre me fit encore compliment sur mes talents ; ensuite il me demanda si je voulais rester ; qu’il me donnerait une de ses filles en mariage. Je lui dis que cela ne se pouvait pas, que j’étais déjà marié et que j’avais des enfants : « Alors, dit-il en s’adressant au Cosa-