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« En entendant cela, nous aurions voulu être au diable, mais, dans ce moment, d’autres paysans arrivèrent qui, en me voyant conduit par un Cosaque, me dirent des injures et me firent des menaces qui furent réprimées par un homme âgé que j’ai su, après, être un ministre protestant, curé de l’endroit.

« L’on nous conduisit chez le bourgmestre, qui fit beaucoup d’accueil à mon frère en lui disant qu’il logerait chez lui et que l’on aurait soin de son cheval, mais que, pour le Français, il allait le faire conduire à la prison, à moins, dit-il, que vous ne vouliez le garder près de vous pour vous servir de domestique : « Je ne demande pas mieux, répondit mon frère, d’autant mieux que je suis blessé et que ce Français est chirurgien-major. Il me pansera ma jambe. — Chirurgien-major ! reprit le bourgmestre, cela tombe on ne peut mieux, car nous avons ici un brave homme du village qui a eu, ce matin, le bras cassé par un Français qui n’a pas voulu se laisser désarmer ; il lui arrangera son bras ! »

« L’on nous fit entrer dans une chambre bien chaude où il y avait un lit que l’on désigna pour le Cosaque, mais il n’en voulut pas et demanda de la paille pour lui, et aussi pour moi, qu’il fit mettre à part, afin de ne pas éveiller de soupçons. L’on nous apporta à manger du pain, du lard, de la choucroute, de la bière et du genièvre pour le frère Cosaque ; des pommes de terre et de l’eau pour moi. Le bourgmestre fit remarquer à mon frère une certaine quantité d’armes dans un coin de la chambre : c’étaient celles des Français que les paysans avaient désarmés le matin, consistant en quelques pistolets, carabines, cinq à six fusils, autant de sabres de cavaliers, ainsi que plusieurs paquets de cartouches.

« Pendant que nous étions en train de manger, un paysan accompagné d’une femme entra dans la chambre ; l’homme portait un bras en écharpe : c’était l’homme au bras cassé. Il vint s’asseoir auprès de moi pour me le faire voir. Je me décidai à payer d’audace. Je demandai du linge, des bandes, des petites lattes que l’on fit avec du bois de sapin. Le bras était cassé net entre le poignet et le coude. J’avais déjà vu tant d’opérations, depuis cinq ans, que