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bras et donnant des coups de poing sur le derrière de son cheval.

Me voyant en position de riposter, les deux Cosaques qui marchaient sur moi s’arrêtent et me font signe de venir à eux. Je comprends qu’ils disent qu’ils ne me feront pas de mal, mais je reste toujours dans la même position.

J’entendais sur ma droite, du côté de la route, des cris et des jurements accompagnés de coups de fusil qui n’étaient pas sans inquiéter mes adversaires, car, souvent, je les voyais regarder du côté d’où venait le bruit, de sorte que j’espérais qu’ils m’abandonneraient pour penser à leur propre sûreté ; mais ne voilà-t-il pas qu’un quatrième sauvage arrive, paraissant aussi se sauver ! Voyant plusieurs de ses camarades, il s’approche, m’aperçoit, veut marcher sur moi, mais, voyant qu’avec son cheval cela lui est impossible, à cause des arbres et des buissons, met pied à terre, attache son cheval près des autres et, un pistolet à la main, en se couvrant des arbres, avance contre moi ; les deux autres le suivent de la même manière. Il ne fallait certainement pas faire tant de cérémonies pour s’emparer de ma chétive personne, mais… ô bonheur ! Au même instant, les cris qui venaient de la droite se font entendre avec plus de force, accompagnés de coups de fusil ; les chevaux, qui n’étaient pas fortement attachés, sont effrayés, s’échappent du côté de la route, et les Cosaques se mettent à courir après.

Réfléchissant à l’état déplorable dans lequel je me trouvais, je me dis qu’il me serait impossible de continuer à marcher sans me nettoyer et changer de linge. On se rappelle que j’avais des chemises et une culotte de drap de coton blanc, dans un portemanteau de la montagne de Ponari — ces effets appartenaient à un commissaire des guerres.

Ayant ouvert mon sac, j’en tire une chemise que je pose sur mon fusil ; ensuite la culotte, que je mets à côté de moi sur l’arbre ; je me débarrasse de mon amazone et de ma capote militaire, de mon gilet à manches en soie jaune piquée, que j’avais fait à Moscou avec les jupons d’une dame russe ; je dénoue le cachemire qui me serrait le corps et qui tenait mon pantalon, et, comme je n’avais pas de bretelles, il tomba sur mes talons. Pour ma chemise, je n’eus pas la peine de l’ôter, je la tirai par lambeaux, car il