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probablement que, dans ce moment, il faisait la différence, car, cinq mois avant cette épreuve, nous avions passé ce même pont avec toute l’armée si belle, si brillante, tandis qu’à cette heure, elle était triste et presque anéantie. Pour nous encourager, il nous tint à peu près ce discours, que bien peu écoutèrent :

« Allons, mes enfants ! Je ne vous dirai pas d’avoir du courage, je sais que vous en avez beaucoup, car depuis trois ans que je suis avec vous, vous en avez, dans toutes les circonstances, donné des preuves, et surtout dans cette terrible campagne, dans les combats que vous avez eu à soutenir, et par toutes les privations que vous avez eu à supporter. Mais souvenez-vous bien que, plus il y a de peines et de dangers, plus aussi il y a de gloire et d’honneur, et plus il y aura de récompenses pour ceux qui auront la constance de la terminer honorablement ! »

Ensuite il demanda si nous étions beaucoup de monde présent. Je saisis ce moment pour dire à M. Serraris que Faloppa était mort le matin. Il me demanda si j’en étais certain ; je lui répondis que je l’avais vu mourir, et que même l’adjudant-major Roustan l’avait vu mort : « Qui, moi ? Répondit l’adjudant-major. Où ? — Dans la maison d’où vous m’avez dit de sortir, et où vous êtes entré pour en faire sortir un autre individu. — C’est vrai, dit-il, j’ai vu un homme mort sur la paille, mais c’était l’homme de la maison, puisque la femme le pleurait ! » — Je lui dis que c’était celui qu’il venait de mettre dans la rue qui était le véritable mari et que celui qu’il avait vu sur la paille était Faloppa. Je lui rapportai en peu de mots la scène du paysan, que nous cherchâmes dans nos rangs, mais il avait disparu.

Pendant que nous étions restes sur le bord du Niémen, ceux qui étaient devant nous avaient traversé, sur le pont ou sur la glace. Alors nous avançâmes, mais lorsque nous eûmes traversé, nous ne pûmes monter la côte par le chemin, parce qu’il se trouvait plusieurs caissons abandonnés qui tenaient la largeur de la route, étroite et encaissée. Alors, plus d’ordre ! Chacun se dirigea suivant son impulsion. Plusieurs de mes amis m’engagèrent à les suivre, et nous prîmes sur la gauche. Lorsque nous fûmes