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apercevait les Cosaques que la vue du butin attirait, mais qui n’avançaient qu’avec circonspection, attendant que l’arrière-garde fût passée afin de moissonner sans danger.

Je me remis à marcher, mais, au lieu de prendre la route où étaient les caissons, je tournai la montagne par la droite, où plusieurs voitures avaient essayé de passer, mais presque toutes avaient été renversées dans le fossé, au bord du chemin que l’on voulait se frayer. Il y avait un caisson dans lequel il restait encore beaucoup de portemanteaux. J’aurais bien voulu en attraper un, mais, dans l’état de faiblesse où j’étais, je n’osais pas risquer cette entreprise, dans la crainte de ne pouvoir plus remonter le fossé, si je descendais dedans. Heureusement, un infirmier de la garnison de Wilna, voyant mon embarras, fut assez complaisant pour y descendre, et m’en jeta un dans lequel je trouvai quatre belles chemises de toile fine dont j’avais le plus besoin, et une culotte courte de drap de coton : c’était le portemanteau d’un commissaire des guerres, l’adresse me l’indiquait.

Content d’avoir trouvé du linge, moi qui n’avais pas, depuis le 5 novembre, changé de chemise, dont les pauvres lambeaux étaient remplis de vermine, je mis le tout dans mon sac.

Un peu plus loin, je ramassai un carton dans lequel il y avait deux superbes chapeaux à claque. Comme c’était fort léger, je le mis sous mon bras, je ne sais en vérité pourquoi, probablement pour changer contre autre chose, si l’occasion s’en présentait.

Le chemin que je suivais tournait à gauche, à travers les broussailles, pour, de là, rejoindre la grand’route. Ce chemin avait été tracé par les premiers hommes qui, à la pointe du jour, avaient franchi la montagne. Après une demi-heure de marche pénible, j’entendis une forte fusillade accompagnée de grands cris qui partaient du côté de la route où étaient les caissons ; c’était le maréchal Ney qui, voyant que l’on ne pouvait sauver le trésor, le faisait distribuer aux soldats, et, en même temps, faisait faire, contre les Cosaques, une distribution de coups de fusil pour les empêcher d’avancer.

De mon côté, sur la droite, je les voyais qui avançaient insensiblement, car il n’y avait, pour les arrêter, que