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mandait. De suite nous les reconnûmes pour des Russes ; c’étaient des cuirassiers à cuirasses noires sur habits blancs ; ils étaient accompagnés de plusieurs Cosaques épars çà et là ; ils marchaient de manière à couper la retraite aux Hessois, ainsi qu’à nous et à une infinité d’autres malheureux qui venaient de les apercevoir et qui rétrogradaient pour rejoindre l’arrière-garde en criant : « Gare aux Cosaques ! »

Les Hessois, commandés par deux officiers, et qui, probablement, avaient aperçu les Russes avant nous, s’étaient mis en mesure de se défendre. Pour leur faire face, ils firent une demi-conversion à gauche, en conservant pour point d’appui la petite butte qui les couvrait derrière.

Dans ce moment, nous vîmes un grenadier de la ligne, bien portant et bien décidé, passer près de nous et aller en courant prendre rang parmi les Hessois. Nous nous disposions à faire de même, mais, pour le moment, ma position ne me le permettait pas. D’un autre côté, Daubenton, que Mouton embarrassait, voulait, avant tout, le mettre dans le caisson, mais nous n’en eûmes pas le temps, car les cavaliers vinrent au galop du côté des Hessois : là, ils s’arrêtèrent en leur signifiant de mettre bas les armes. Un coup de fusil fut la réponse ; c’était celui du grenadier français, qui fut, en même temps, suivi d’une décharge générale des Hessois.

À cette détonation, nous pensions voir tomber la moitié des cavaliers, mais, chose étonnante, pas un ne tomba, et l’officier, qui était en avant et qui aurait dû être pulvérisé, ne parut rien avoir. Son cheval fit seulement un saut de côté. Se remettant aussitôt et se tournant vers les siens, ils fondirent sur les Hessois et, en moins de deux minutes, ils furent culbutés et sabrés. Plusieurs se sauvèrent ; alors les cavaliers se mirent à les poursuivre.

Au même instant, Daubenton, voulant se débarrasser de Mouton, me cria de l’aider, mais trois cavaliers passèrent auprès de lui, à la poursuite des Hessois. Aussitôt, pour être plus à même de se défendre, il voulut se retirer sous le caisson où j’étais dans une triste position, souffrant de coliques et de froid, mais il n’en eut pas le temps, car un des trois cavaliers venait de faire un demi-tour et de le charger. Il fut assez heureux pour le voir à temps et se