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Il y avait longtemps que je n’avais ri, mais je ne pus m’empêcher d’éclater, au point que le sang ruissela de mes lèvres.

Picart allait continuer à me conter ces fariboles, quand, tout à coup, nous entendons le bruit du canon et nous voyons arriver notre hôte : il avait l’air tout effaré, ne sachant plus parler. Il finit par nous dire qu’il venait de voir arriver des soldats bavarois suivis par des Cosaques, justement par la porte où nous étions arrivés.

Effectivement, la garnison de la ville battait la générale. À ce bruit, Picart saisit ses armes et, s’avançant près de moi qui n’étais pas très disposé à bouger : « Allons, mon pays ! me dit-il en me frappant sur l’épaule, nous sommes de la Garde impériale, il faut être les premiers à courir aux armes ! Ensuite, il ne faut pas souffrir que ces sauvages viennent manger le pain qu’on nous a promis pour ce soir ! Si vous avez la force, suivez-moi, et allons nous réunir à ceux qui vont charger cette canaille, chose qui ne sera pas difficile ! »

Je suivis Picart. Quelques hommes couraient pour se réunir sans savoir où, mais un plus grand nombre se retirait du côté opposé où l’on devait se battre, et un plus grand nombre encore, insouciants de tout, ne faisaient pas attention à ce qui se passait.

Lorsque nous fûmes près de la porte qui conduisait au faubourg, nous rencontrâmes un détachement de grenadiers et chasseurs de la Garde. Picart me quitta pour prendre son rang parmi les siens, et comme, à la gauche, il s’en trouvait quelques-uns de chez nous et une vingtaine d’officiers qui avaient des fusils, je les suivis en marchant comme eux, sans savoir qui nous commandait et où nous allions. L’on gravit la montagne sans ordre, chacun comme il put ; plusieurs tombèrent et restèrent en arrière. Nous étions arrivés aux deux tiers de la montagne, que je m’étonnais d’avoir pu aller jusque-là, lorsque je tombai à mon tour et, quoique aidé par un paysan lituanien, j’eus bien de la peine à me relever. Je priai ce brave homme de ne pas m’abandonner, et, pour l’engager à rester avec moi, je lui donnai environ la valeur de quatre francs en monnaie russe, et un verre d’eau-de-vie, dans le petit vase que je