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L’officier badois, qui était présent et qui parlait le français, chercha à le consoler en lui disant qu’il lui procurerait un cheval pour son traîneau, puisque celui qui l’avait conduit était mort. À nous, il nous promit de la soupe et de la viande, mais, pendant la nuit, il partit avec tous ceux des siens qui étaient là en garnison. Quant au pauvre officier, la fièvre augmenta pendant la nuit, il fut continuellement dans le délire, et nous, nous n’eûmes pas la soupe ni la viande sur lesquels nous avions tant compté. Nous n’eûmes que quelques oignons et quelques noisettes que le juif nous vendit bien cher, mais ce n’était pas trop payer la nuit que nous avions passée à couvert.

Le 7 au matin, comme nous étions assez bien reposés, nous partîmes de bonne heure et en faisant le moins de bruit possible, afin que le jeune officier ne pût nous entendre, vu l’impossibilité où nous étions de lui rendre aucun service. Peu d’hommes étaient sur le chemin. Lorsque nous eûmes fait une lieue, nous nous reposâmes près d’une grange incendiée ; au bout d’une demi-heure, nous vîmes arriver la colonne de la Garde impériale ; les débris de notre régiment étaient là, marchant toujours en ordre autant que possible ; je rentrai dans les rangs. Lorsqu’on fit halte, on me demanda sans intérêt si, depuis quatre jours que l’on ne m’avait vu, j’avais trouvé des vivres. Sur ma réponse que je n’avais rien, on me tourna le dos en jurant et en frappant la terre avec la crosse du fusil.

On se remit en route, et nous arrivâmes très tard à Joupranouï : presque toutes les maisons étaient brûlées, les autres abandonnées, sans toits et sans portes. Nous nous mîmes comme nous pûmes, les uns sur les autres. Le cheval ne manquant pas, j’en fis cuire pour le lendemain.

Le lendemain 8, il faisait grand jour lorsque nous partîmes, mais le froid était tellement rigoureux, que les soldats mettaient le feu aux maisons pour se chauffer. Dans toutes maisons, il y avait des malheureux soldats : beaucoup périrent dans les flammes, n’ayant pas la force de se sauver.

Dans le milieu de la journée, nous arrivâmes dans une petite ville dont je ne me rappelle plus le nom. On disait que l’on devait y faire des distributions, mais nous apprîmes que les partisans avaient pillé les magasins avant notre