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disait que les Russes venaient. Quelques cavaliers de la Garde s’étaient portés en avant, mais les Russes ne se montrèrent pas, ce jour-là. L’Empereur alla coucher à Kamen, avec la moitié de la Garde, et nous, les fusiliers-grenadiers et chasseurs, nous couchâmes en arrière de cet endroit.

Le 30, le quartier impérial coucha à Plechnitzié, et nous, nous bivouaquâmes en arrière. Le lendemain, lorsque nous y arrivâmes, nous apprîmes que, le 29, le maréchal Oudinot, qui s’était retiré dans cet endroit après avoir été blessé, le 28, à la Bérézina, avait failli être pris ; que les Russes, au nombre de deux mille, avec deux pièces de canon, y étaient entrés, mais que le maréchal, quoique blessé, s’était défendu avec vingt-cinq hommes, tant officiers que soldats, malheureux et blessés, dans une maison où ils s’étaient retranchés ; que les Russes, étonnés des dispositions de défense que faisait le maréchal, avec le peu d’hommes qui l’accompagnaient, s’étaient retirés sur une hauteur qui domine l’endroit, et que, de là, ils firent le siège de la maison, jusqu’au moment où de la troupe de la Confédération du Rhin, et une partie de la Garde, arriva avec l’Empereur. Nous remarquâmes la baraque, en passant : elle était percée de plusieurs coups de boulets ; mais nous ne pûmes comprendre comment deux mille Cosaques n’avaient pas eu assez de courage pour prendre d’assaut une baraque en bois, où vingt-cinq hommes s’étaient retirés pour se défendre, il est vrai, jusqu’à la mort.

Le lendemain 1er décembre, nous partîmes de grand matin. Après une heure de marche, nous arrivâmes dans un village où les fusiliers-chasseurs avaient couché ; ils nous attendaient, afin de partir avec nous. En y arrivant, je m’informai si l’on n’y trouvait rien à acheter : un sergent-major des chasseurs me dit que, chez le juif où il avait logé, se trouvait du genièvre. Je le priai de m’y conduire. Étant dans la maison, j’aperçus le juif avec une longue, barbe, et, m’adressant à lui fort poliment en allemand, je lui demandai s’il avait du genièvre à me vendre. Il me répondit d’un ton brusque : « Je n’en ai plus, les Français me l’ont pris ! » à cela je n’avais rien à répondre, mais, comme je connaissais cette race d’hommes, je n’ajoutai pas foi aux paroles qu’il me disait, car ce n’était que la crainte