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vous entendez toujours ces diables de chiens qui aboient ! » Effectivement, depuis le coup de fusil, ils n’avaient cessé de faire un train d’enfer. « Mais, lui dis-je, si, dans ce village ou dans cette baraque, nous allions trouver les Russes ! » Il me répondit de le laisser faire.

Nous voilà encore marchant à l’aventure pendant la nuit, au milieu d’une forêt, sans savoir où nous allions, sur la seule indication de quatre pieds imprimés sur la neige que Picart me disait être ceux des femmes.

Tout à coup, les traces cessèrent de se faire voir. Après un moment de recherche, nous les retrouvâmes et nous vîmes qu’elles tournaient à droite. Cela nous contraria beaucoup, vu que nous allions nous éloigner de la direction qui pouvait nous conduire sur la grand’route. Souvent les pas se trouvaient tellement resserrés par les arbres, que nous ne pouvions plus y voir. Il fallait que Picart se couchât sur la neige et cherchât avec ses mains les traces que nous ne pouvions plus voir avec nos yeux.

Picart conduisait le cheval par la bride, moi je marchais en le tenant par la queue, mais je fus arrêté court ; il ne marchait plus. Le pauvre diable avait beau faire des efforts, il ne pouvait avancer, car il était pris entre deux arbres, et les deux bottes de paille qu’il avait de chaque côté, l’empêchaient de passer. Lorsqu’elles furent tombées, il put se dégager et avancer. Je ramassai la paille, trop précieuse pour nous, je la traînai jusqu’au moment où nous trouvâmes le chemin plus large. Alors nous la remîmes sur le cheval et nous pûmes avancer plus à notre aise. Un peu plus loin, nous trouvâmes deux chemins, où l’on avait également marché. Là, nous fûmes encore obligés de nous arrêter, ne sachant lequel prendre. À la fin, nous prîmes le parti de faire marcher le cheval devant nous, espérant qu’il pourrait nous guider ; pour ne pas qu’il nous échappe, nous le tenions de chaque côté de la croupière. À la fin, Dieu eut pitié de nos misères ; un chien se fit entendre et, un peu plus avant, nous aperçûmes une masure assez grande.

Imaginez-vous le toit d’une de nos granges posé à terre, et vous aurez une idée de l’habitation que nous avions devant nous. Nous en fîmes trois fois le tour avant de pou-