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de moi en me disant : « La victoire est à nous, mais dépêchons-nous ; commençons par user du droit du vainqueur ! Voyons si notre homme n’a rien qui nous va, et partons avec le cheval ! »

Je m’empressai de demander à Picart s’il n’était pas blessé. Il me répondit que ce n’était rien, que nous parlerions de cela plus tard. Il commença la visite par la ceinture, en enlevant deux pistolets, dont un était chargé. Alors il me dit : « Ce drôle a l’air de faire le mort ; je vous assure qu’il n’en est rien, car, par moments, il ouvre les yeux ». Pendant que Picart parlait, j’avais attaché le cheval à un arbre. J’ôtai à son cavalier son sabre et une jolie petite giberne garnie en argent, que je reconnus pour être celle d’un chirurgien de notre armée. Je la passai à mon cou. Le sabre, nous le jetâmes dans le buisson. Sous sa capote, il avait deux uniformes français, un de cuirassier et l’autre de lancier rouge de la Garde, avec une décoration d’officier de la Légion d’honneur, que Picart s’empressa de lui arracher. Ensuite, il avait, sur sa poitrine, plusieurs beaux gilets ployés en quatre qui lui servaient de plastron, de manière que, s’il eût été atteint à cette place, je ne pense pas que la balle eût traversé ; il avait été pris un peu sur le côté. Nous trouvâmes, dans ses poches, pour plus de trois cents francs en pièces de cinq francs, deux montres en argent, cinq croix d’honneur, tout cela ramassé sur les morts ou mourants, ou pris dans les fourgons d’équipages que l’on était obligé d’abandonner. Je suis persuadé que, si nous eussions eu le temps, nous aurions trouvé bien autre chose, mais nous ne restâmes pas cinq minutes pour le détrousser.

Picart ramassa la lance du vaincu, ainsi qu’un pistolet qui n’était pas chargé. Il les cacha dans un buisson, et nous nous disposâmes à partir.

Comme Picart marchait devant, en conduisant le cheval par la bride, sans savoir où nous allions, il me prit envie de tâter les flancs du portemanteau qui était sur le derrière du cheval, et dont nous avions remis la visite. Je remarquai que ce portemanteau était celui d’un officier de cuirassiers de notre armée.

Je passai la main à l’entrée : il me sembla que je palpais