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plus que sept. Dans ce moment, le peloton de cavaliers qui avait fait demi-tour ne se trouvait pas éloigné de nous de plus de quarante pas. Nous en profitâmes ; Picart, me frappant sur l’épaule, me dit : « Attention à mon commandement : feu ! » Ils s’arrêtèrent, étonnés, et un tomba de cheval.

Les Cosaques car c’en était, en voyant tomber un des leurs, s’étaient éparpillés. Deux seulement étaient restés pour secourir celui qui était tombé assis sur la glace, appuyé sur la main gauche. Picart, ne voulant pas perdre de temps, leur envoya une seconde balle, qui blessa un cheval. Aussitôt ils se mirent à fuir en abandonnant leur blessé et en se faisant un bouclier de leurs chevaux qu’ils tenaient par la bride. Au même moment, nous entendons, sur notre gauche, des cris sauvages, et nous voyons nos malheureux soldats entourés par tout ce qu’il y avait de Cosaques. À notre droite, d’autres cris attirèrent notre attention : nous voyons que les deux hommes qui avaient abandonné leur blessé étaient revenus pour le prendre et, n’ayant pu le faire marcher, l’entraînaient par les jambes, sur la glace.

Nous observions un Cosaque qui avait été placé en observation, probablement pour nous, mais il regardait continuellement du côté où nous n’étions plus, par suite d’un mouvement que nous avions fait après notre première décharge. Nous pouvions facilement le voir sans être vus. Aussi Picart ne pouvait plus se contenir ; son coup de fusil part, et l’observateur est atteint à la tête, car, au même instant, nous voyons qu’il chancelle, penche la tête en avant, ouvre les bras comme pour se retenir, et tombe de son cheval. Il était mort[1].

Au coup de fusil, ceux qui entouraient nos malheureux soldats se retournent, étonnés. Ils font un mouvement en arrière et s’arrêtent : nos fantassins font une décharge sur eux, pour ainsi dire à bout portant, et quatre Cosaques tombent du même coup. Alors des cris de rage s’élèvent de part et d’autre. La mêlée devient générale, et un combat opiniâtre s’engage entre les deux partis. Au même moment,

  1. Picart était un des meilleurs tireurs de la Garde ; au camp, lorsque l’on tirait à la cible, il avait toujours les prix. (Note de l’auteur.)