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plusieurs coups de fusil se firent entendre, paraissant venir de l’autre côté du lac : « En arrière ! Dans le bois ! » me dit Picart. Le bruit ayant cessé, voyant que personne ne nous observait, nous nous remîmes à marcher.

L’ouragan, qui avait cessé le matin, pendant que nous étions à nous reposer, menaçait de recommencer avec plus de force. Des nuages comme ceux que nous avions vus le matin couvraient cette immense forêt et la rendaient encore plus sombre, de manière que nous n’osions risquer de nous y engager pour nous mettre à l’abri.

Comme nous étions à délibérer sur le parti qu’il convenait de prendre, nous entendîmes de nouveaux coups de fusil, mais beaucoup plus rapprochés que la première fois. Nous vîmes deux pelotons de Cosaques cherchant à envelopper sept fantassins de notre armée, qui descendaient la côte et paraissaient venir d’un petit hameau que nous aperçûmes de l’autre côté du lac, adossé à un petit bois qui dominait l’endroit où nous étions et où, probablement, ils avaient passé une nuit meilleure que la nôtre. Nous pouvions les voir facilement se porter en avant et faire le coup de feu avec l’ennemi, se réunir ensuite, puis battre en retraite du côté du lac, afin de gagner la forêt où nous étions et où ils auraient pu tenir tête à tous les Cosaques qui les poursuivaient.

Ils avaient affaire à plus de trente cavaliers qui, tout à coup, se partagèrent en deux pelotons, dont un fit demi-tour et vint descendre sur le lac en face de nous, afin de leur couper la retraite.

Nos armes étaient chargées, et trente cartouches préparées dans ma carnassière, afin de les bien recevoir, s’ils venaient de notre côté, et, par là, de délivrer ces pauvres diables qui commençaient à se trouver dans une position difficile. Picart, qui ne perdait pas de vue les combattants, me dit : « Mon pays, vous chargerez les armes, et moi je me charge de les descendre, comme des canards. Cependant, continua-t-il, pour faire diversion, nous allons faire ensemble la première décharge ! »

Cependant nos soldats battaient toujours en retraite. Picart les reconnut pour ceux qui, la veille, avaient pillé le caisson qu’il gardait, mais, au lieu d’être neuf, ils n’étaient