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Après une heure de marche, nous passâmes un ravin où les bagages eurent encore beaucoup de peine à traverser, et où beaucoup de chevaux périrent. Enfin, dans l’après-midi, nous arrivâmes dans cette ville que nous trouvâmes fortifiée, et avec une garnison composée d’hommes de différents régiments : c’étaient des hommes qui étaient restés en arrière et qui étaient venus avec des détachements, pour rejoindre la Grande armée, et qu’on avait retenus. Il s’y trouvait aussi des gendarmes et quelques Polonais. Ces hommes, en nous voyant aussi misérables, furent saisis, surtout lorsqu’ils virent la grande quantité de traîneurs marchant en désordre. L’on fit rester une partie de la Garde dans la ville, afin d’y maintenir l’ordre, et comme il s’y trouvait un magasin de farine et un peu d’eau-de-vie, l’on en fit une distribution. Nous trouvâmes, dans cette ville, un équipage de pont et beaucoup d’artillerie avec les attelages, et, par une fatalité extraordinaire, nous brûlâmes les bateaux qui composaient les ponts, afin de faire servir les chevaux à traîner les canons. Mais nous ne savions pas encore ce qui nous attendait à la Bérézina, où les ponts pouvaient tant nous servir.

Nous n’étions plus que 7 à 8 000 hommes de la Garde, reste de 35 000. Encore, parmi ceux qui restaient, quoique marchant toujours en ordre, une portion se traînait péniblement. Comme je l’ai dit, l’Empereur et une partie de la Garde était dans la ville et le reste bivaquait dans les environs. Pendant la nuit, le maréchal Ney, que l’on croyait perdu, arriva avec le reste de son corps d’armée ; il lui restait encore environ 2 à 3 000 combattants, reste de 70 000. Nous apprîmes, au même instant, que la joie de l’Empereur fut à son comble, lorsqu’il sut que le maréchal était sauvé.

Le 20, nous fîmes séjour, pendant lequel je cherchai mon porteur de sac, mais inutilement. Le lendemain 21, nous partîmes sans avoir pu le joindre ; cependant l’on m’avait assuré l’avoir vu, mais je commençais à désespérer.

Lorsque nous fûmes à quelque distance d’Orcha, nous entendîmes des coups de fusil ; nous arrêtâmes un instant et nous vîmes arriver quelques traînards que des Cosaques avaient surpris. Ces hommes vinrent se mettre dans nos rangs, et nous continuâmes à marcher. Parmi ces traînards