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Après cette scène, nous ramassâmes nos blessés et nous nous réunîmes autour du colonel avec nos armes chargées, en attendant le jour. Pendant ce temps, ce n’était qu’un bruit, autour de nous, de coups de fusil de ceux qui combattaient encore sur d’autres points ; à cela étaient mêlés les cris des blessés et les plaintes des mourants. Rien d’aussi triste qu’un combat de nuit, où souvent il arrive des méprises bien funestes.

Nous attendîmes le jour dans cette position. Lorsqu’il parut, nous pûmes nous reconnaître et juger du résultat du combat : tout l’espace que nous avions parcouru était jonché de morts et de blessés. Je reconnus celui qui avait voulu me tuer : il n’était pas mort ; la balle lui avait traversé le côté, indépendamment du coup de sabre que l’adjudant-major lui avait donné. Je le fis mettre dans une position meilleure que celle où il était, car le cheval blanc de l’officier russe, près duquel il avait été tomber, et qui se débattait, pouvait lui faire mal.

L’intérieur des maisons du village où nous étions, je ne sais si c’est Kircova ou Malierva, ainsi que le camp des Russes et les environs, étaient couverts de cadavres dont une partie étaient à demi brûlés. Notre chef de bataillon, M. Gilet, eut la cuisse cassée d’une balle, dont il mourut peu de jours après. Les tirailleurs et voltigeurs perdirent plus de monde que nous ; dans la matinée, je rencontrai le capitaine Débonnez, qui était du même endroit que moi, et qui commandait une compagnie des voltigeurs de la Garde ; il venait s’informer s’il ne m’était rien arrivé ; il me conta qu’il avait perdu le tiers de sa compagnie, plus son sous-lieutenant qui était un vélite, et son sergent-major qui furent tués des premiers.

Par suite de ce combat meurtrier, les Russes se retirèrent de leurs positions, sans cependant s’éloigner, et nous restâmes sur le champ de bataille pendant toute la journée et la nuit du 16 au 17, pendant lesquelles nous fûmes toujours en mouvement. À chaque instant, pour nous tenir en haleine, l’on nous faisait prendre les armes ; nous étions toujours sur le qui-vive, sans pouvoir nous reposer, ni même nous chauffer.

À la suite d’une de ces prises d’armes, et au moment où