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logement et le peu d’effets qu’il me reste ; vous, retournez au camp rejoindre le régiment avec votre garde ; tout à l’heure, nous aurons de la besogne ! »

Je le dirai franchement, cet ordre ne me fit pas plaisir ; ce n’était certainement pas la crainte de me battre, mais c’était la peine que j’avais de perdre quelques moments de repos, dont j’avais tant besoin.

Lorsque j’arrivai au camp, chacun était déjà occupé à préparer ses armes ; je les trouvai disposés à bien se battre ; plusieurs me dirent qu’ils espéraient trouver une fin à leurs souffrances, car il leur était impossible de résister davantage.

Il était deux heures lorsque le mouvement commença ; nous nous mîmes en marche sur trois colonnes : les fusiliers-grenadiers, dont je faisais partie, et les fusiliers-chasseurs formaient celle du centre ; les tirailleurs et voltigeurs celles de droite et de gauche. Il faisait un froid comme les jours précédents ; nous marchions avec peine, au milieu des terres, dans la neige jusqu’aux genoux. Après une demi-heure de marche, nous nous trouvâmes au milieu des Russes, dont une partie avait pris les armes, car une grande ligne d’infanterie était sur notre droite, et à moins de quatre-vingts pas, faisant sur nous un feu meurtrier ; leur grosse cavalerie, composée de cuirassiers habillés de blanc, portant cuirasse noire, était sur notre gauche, à une pareille distance, hurlant comme des loups pour s’exciter les uns les autres, mais n’osant nous aborder, et leur artillerie, au centre, tirant à mitraille. Cela n’arrêta pas notre marche, car, malgré leurs feux et le nombre d’hommes qui tombaient chez nous, nous les abordâmes au pas de charge et nous entrâmes dans leur camp, où nous fîmes un carnage affreux à coups de baïonnettes.

Ceux qui étaient plus éloignés avaient eu le temps de prendre les armes et de venir au secours des premiers. Alors, un autre genre de combat commença, car ils mirent le feu à leur camp et aux deux villages. Nous pûmes nous battre à la lueur de l’incendie. Les colonnes de droite et de gauche nous avaient dépassés et étaient entrées dans le camp ennemi par les extrémités, tandis que notre colonne entrait par le centre.