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et que nous reconnûmes pour avoir contenu du genièvre.

Avant de reprendre le chemin du camp, je considérai la position où j’étais et je vis avec surprise que, pendant la nuit, j’avais beaucoup marché sans avoir fait beaucoup de chemin : je n’avais fait que tourner autour de l’église.

Nous retournâmes au camp. Chemin faisant, je rencontrai plusieurs hommes du régiment, que je réunis à ceux qui étaient avec moi. Un instant après, j’aperçus de loin un sous-officier du régiment, que je reconnus de suite à son sac blanc pour celui que je cherchais, Grangier. Je l’avais déjà embrassé qu’il ne m’avait pas encore reconnu, tant j’étais changé. Nous nous cherchions l’un et l’autre, car il me dit que, depuis la veille, une heure après l’arrivée du régiment, il avait été à l’endroit où il était pour me chercher, mais que personne n’avait pu lui dire où j’étais et que, si j’avais eu la patience d’attendre, il m’aurait conduit où il était logé, car il m’attendait avec une bonne soupe pour me restaurer et de la paille pour me coucher. Il me suivit jusqu’au camp, où j’arrivai en ordre avec dix-neuf hommes. Un instant après, Grangier me fit signe ; je le suivis, il ouvrit son sac et en tira un morceau de viande de bœuf cuit qu’il avait, me dit-il, réservé pour moi, ainsi qu’un morceau de pain de munition.

Il y avait vingt-trois jours que je n’en avais mangé, aussi je le dévorai. Ensuite il me demanda des nouvelles d’un de ses pays qu’on lui avait dit être dangereusement malade ; tout ce que je pus lui dire, c’est qu’il était entré en ville, mais que, puisqu’il ne l’avait pas vu où était le régiment, il nous fallait aller voir à la porte de la ville par où nous étions entrés ; que là, nous pourrions peut-être avoir quelques renseignements, car beaucoup de malades, n’ayant pu monter la rampe de glace pour aller où était le régiment, étaient restés au poste du Badois ou dans les environs. Nous y allâmes de suite.

Il n’y avait qu’un instant que nous marchions, lorsque nous arrivâmes au dragon ; pour cette fois, on l’avait mis presque nu, probablement pour s’assurer s’il n’avait pas une ceinture avec de l’argent. Je lui montrai la cave, et nous arrivâmes à la porte où nous fûmes saisis par la quantité de morts que nous y vîmes ; près du poste du Badois étaient