Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Bah ! Elle rachètera l’objet demain matin. C’est plein de ces honnêtes spéculateurs, Monte-Carlo. Ce sont même les seuls qui gagnent au jeu… »

À l’instant précis où Hautefeuille écoutait ce dialogue, dont chaque mot lui retentissait douloureusement dans le cœur, il avait surpris le regard de la marquise Bonaccorsi posé sur lui, — un de ces regards de curiosité, terribles pour un amoureux timide, car il y lit distinctement la connaissance de son secret. La causerie avait tourné aussitôt, mais les paroles échangées et l’expression des yeux de Mme Bonaccorsi avaient suffi : le jeune homme venait d’être pris par un remords aussi aigu que si la poche intérieure de son veston du soir se fût déchirée et que tous ces gens eussent aperçu le précieux étui.

— « La marquise m’aurait-elle vu l’acheter ? … » s’était-il demandé avec un frisson de tout son être, « et si elle m’a vu, que pense-t-elle ? … » Puis, comme l’Italienne, abîmée dans une conversation avec Florence Marsh, paraissait de nouveau parfaitement indifférente à son existence, il s’était dit : — « Non, j’ai rêvé, il n’est pas possible qu’elle m’ait vu. J’ai tellement pris garde aux personnes qui étaient là ! … Je me suis trompé. Elle me regardait comme elle regarde, de cette façon fixe qui, chez elle, ne signifie rien. J’ai rêvé… Mais je n’ai pas rêvé en écoutant les autres. Cet étui à cigarettes, Ely va vouloir le racheter demain. Elle retrouvera le marchand. Cet homme lui dira qu’il l’a déjà