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de pensées dévidé dans cet esprit d’amoureux, en proie, depuis cet achat, aux fièvres imaginatives d’un de ces scrupules qui sont les grandes tragédies des passions timides et silencieuses.

Elle avait débuté, cette crise d’inquiétude, de délicatesse et de remords, dans le train qui ramenait de Monte-Carlo toute la bande racolée par Corancez. Un mot de Chésy l’avait provoquée :

— « Est-il vrai, » avait demandé ce dernier à Marius, « que la baronne Ely ait perdu cent mille francs ce soir, et qu’elle ait vendu ses diamants à un des pontes pour continuer ? »

— « Comme on écrit l’histoire ! » avait répondu Corancez. « J’étais là avec Hautefeuille. Elle a perdu ce qu’elle avait gagné, voilà tout, et elle a vendu un pauvre bijou de cent louis : un porte-cigarettes en or… »

— « Celui dont elle se sert toujours ? » avait interrogé Navagero.

— « Je ne lui souhaite pas que l’archiduc apprenne ce trafic, » avait repris Chésy. « Quoique démocrate, il est sévère sur le chapitre de la tenue, le patron… »

— « Et qui voulez-vous qui lui répète cette histoire ? » avait répliqué Corancez.

— « L’aide de camp, parbleu ! » avait insisté Chésy, « cette canaille de Laubach. Il espionne tout ce qu’elle fait. Si le bijou manque, l’archiduc le saura… »