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Chésy et Dickie Marsh, et il manœuvrait si habilement qu’un peu après Beaulieu, avant Nice, l’Américain avait déjà offert à Pierre de visiter, le lendemain matin, son yacht, la Jenny, en ce moment à l’ancre dans le port de Cannes. Or, ce lendemain matin représentait pour Corancez les dernières heures qu’il dût lui même passer à Cannes avant son départ, soi-disant pour Marseille et Barbentane, en réalité pour l’Italie, Cette visite à la Jenny — Florence Marsh l’avait promis — serait aussitôt suivie d’une invitation pour Hautefeutlle à la croisière du 13… Pierre accepterait-il ? Consentirait-il surtout à servir de témoin dans cette cérémonie clandestine où cet abbé vénitien au nom copieux, dom Fortunato Lagumina, prononcerait les paroles d’union éternelle entre les millions de feu Francesco Bonaccorsi et l’héritier du blason douteux des Corancez ? Le Provençal n’avait pour décider son ancien camarade que cette matinée. Mais il ne doutait pas du succès, et, dès neuf heures et demie, aussi frais, aussi dispos que s’il ne fût pas rentré de Monte-Carlo la veille par le dernier train, il escaladait de son pied leste les rampes de la colline qui sépare Cannes du Golfe-Jouan. Pierre Hautefeuille s’était installé pour l’hiver dans un des hôtels qui déploient leurs innombrables fenêtres en espaliers sur cette hauteur, décorée par les Cannois du nom de Californie. C’était une de ces matinées de soleil et de brise, — un soleil frais, une brise tiède, — qui font le charme des hivers sur cette côte. Les roses