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que la douce femme répétait avec une tendresse passionnée. Cette naïveté d’affection, qui souffrait devant les déchéances de son idole sans oser formuler un reproche, toucha la baronne et lui fit un peu honte. Elle dissimula ces deux impressions sous un rire qu’elle essaya de rendre gai afin d’apaiser son amie :

— « Comme c’est heureux que je ne t’aie pas vue ! » dit-elle. « Je t’aurais emprunté de l’argent et il aurait rejoint le reste… Et puis ne t’inquiète pas, cela ne m’arrivera plus. J’avais si souvent entendu parler des émotions du jeu. J’ai voulu, pour une fois, non pas jouailler, comme je faisais tous les jours, mais jouer vraiment… C’est encore plus ennuyeux que bête… Je ne regrette que l’étui à cigarettes… » Elle eut comme une seconde d’hésitation. « C’était un souvenir de quelqu’un qui n’est plus de ce monde… Mais je retrouverai le marchand demain… »

— « C’est inutile… » fit vivement Mme Brion. « II ne l’a plus. »

— « Tu l’as déjà racheté ? » dit Mme de Carlsberg. « À ce trait-là, je reconnais ma Louise… »

— « J’ai eu cette idée, » répondit Mme Brion, presque à voix basse ; « mais quelqu’un d’autre m’avait devancée… »

— « Quelqu’un d’autre ? » demanda la baronne dont le visage revêtit soudain une expression altière. « Quelqu’un que tu as vu et que je connais ? »

— « Que j’ai vu et que tu connais… Mais je