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de ce départ et tandis qu’il fendait lui même la foule pour aller saluer la hardie joueuse, Corancez s’aperçut soudain qu’il avait perdu Hautefeuille.

— « On n’est pas plus maladroit que cet innocent, » se dit-il en abordant Mme de Carlsberg.

Si sa vanité de causer avec l’épouse, même morganatique, d’un archiduc d’Autriche, ne l’eût pas, pour ces quelques minutes, absorbé tout entier, il eût constaté que son compagnon de tout à l’heure se frayait un passage jusqu’à l’acheteur du bijou si fantasquement offert et vendu. Et peut-être eût-il trouvé très habile le marché conclu par « cet innocent », s’il l’avait vu tirer de sa poche un portefeuille, de ce portefeuille deux billets de banque, et le marchand lui remettre l’objet même qui tout à l’heure flamboyait sur la table de roulette devant la baronne Ely. L’usurier venait de revendre l’étui à l’amoureux pour le triple de la somme qu’il l’avait payé lui-même. — Ainsi commencent les grandes maisons !


Si l’action de Pierre Hautefeuille avait échappé au malicieux coup d’oeil de Corancez, elle n’avait pas pour cela passé inaperçue. Une autre personne