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Pierre lut et relut ces phrases si naïves, si gauches, pour lui si éloquentes. Il devinait par derrière elles la tendresse passionnée de Louise Brion pour Ely, et il en était touché, comme tous les amants malheureux sont touchés par les preuves de dévouement prodiguées à leur maîtresse. Ils ont tant besoin de la savoir aimée, gâtée, protégée, au moment même où ils la maudissent avec la plus implacable colère, où ils se préparent à la brutaliser avec la pire folie de leur rancune… Et quel dévouement, en effet, que celui de cette honnête, de cette pieuse Louise en arrivant, de faiblesse en faiblesse, à se charger d’une lettre d’Ely à Hautefeuille ! Elle avait voulu venir elle-même à l’hôtel des Palmes, demander Pierre, lui parler, lui remettre l’enveloppe en mains propres : elle n’avait pas osé. Peut-être elle-même, par une démarche directe, eût-elle échoué, au lieu que ce moyen détourné eut raison des scrupules du jeune homme. L’émotion que lui avait causée ce simple billet le laissait désarmé contre de trop tendres souvenirs ; il ouvrit la seconde enveloppe, et il lut :

« Pierre,

« Je ne sais même pas si vous lirez jamais ces mots, et s’ils ne seront pas écrits en vain, — comme tant de larmes que j’ai versées en pensant à vous depuis l’affreux jour ont été versées en vain. Je ne sais pas si vous consentirez à me laisser vous dire encore une