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rançon du sacrifice dont il avait renouvelé le vœu ? Enfin, c’était un de ces moments, comme il s’en rencontre à la veille des crises suprêmes, dont la sérénité mensongère nous revient plus tard à l’esprit, pour nous étonner et nous faire frémir. Rien n’atteste davantage que toute vie humaine est un songe, le jeu à travers nous d’un pouvoir supérieur, qui nous pousse où nous devons aller, sans que jamais le jour d’aujourd’hui puisse prévoir le lendemain. Le danger approche, il est là. Les ouvriers de notre destinée sont à côté de nous, qui vivent, eux aussi, qui respirent, qui ne se doutent pas de la besogne à laquelle les réserve le hasard, la fatalité, la Providence ? Quel est ton mot, inévitable énigme du sort ?

La visite de Corancez avait eu lieu un vendredi. Le départ de Cannes était fixé au dimanche. Le samedi matin, vers les onze heures, comme Hautefeuille était seul dans sa chambre, à ranger quelques vêtements, un coup frappé à la porte le fit tressaillir. Quoique profondément ancré dans sa résolution de tenir sa parole, il ne pouvait s’empêcher d’attendre. Attendre ? quoi ? Il n’aurait pu le dire lui-même. Mais une intuition, inconsciente et irrésistible, l’avertissait qu’Ely ne le laisserait pas s’en aller sans avoir essayé de le revoir. Elle ne lui avait pourtant, depuis la lettre refusée, donné aucun signe de vie. Elle ne lui avait envoyé personne, et Corancez était venu de lui-même. Cependant le jeune homme était dans cette anxiété