Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/447

Cette page n’a pas encore été corrigée

et sur son mariage… Et il ne t’a rien dit d’autre ? » Puis, après un silence : « Il ne t’a pas parlé de qui tu sais ? »

— « Il m’en a parlé, » répondit Pierre.

— « Et cela t’a fait du mal ? » demanda Olivier.

— « Et cela m’a fait du mal. » Les deux amis se regardèrent. Pour la première fois depuis six jours, ils faisaient une allusion précise à l’objet constant de leurs pensées. Olivier parut hésiter, comme si les paroles qu’il allait dire dépassaient ses forces. Puis, d’une voix sourde :

— « Ecoute, mon Pierre, » commença-t-il, « tu es trop malheureux. Cela ne peut pas durer. Je pars après-demain. Berthe est presque bien. Le docteur autorise, il conseille même le retour à Paris. Supporte encore cela quarante-huit heures. Quand je ne serai plus là, retourne chez elle. Je te rends ta parole. Je ne le verrai pas, je ne le saurai pas. Le passé est le passé. Tu l’aimes plus que tu ne m’aimes. Va jusqu’au bout de ce sentiment… » .

— « Tu te trompes, Olivier, » répondit Pierre, « Je souffre, c’est vrai. Je ne le nie pas. Ce n’est pas de ma résolution : je ne l’ai pas regrettée une seconde. Non… Je souffre de ce que je sais. Mais je le sais, et pour toujours… Retourner auprès d’elle dans ces conditions, ce serait trop bas, trop vil. Je m’en mépriserais trop. Non. Je t’ai donné ma parole : je la tiendrai. Et quant à dire que je l’aime plus que je ne t’aime… Mais regarde-moi donc ! … »