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de guerre. Mais il y avait, dans ces retours vers autrefois, quelque chose de forcé, de convenu, de voulu, qui arrêtait en eux l’effusion. Ils se rendaient trop compte, par comparaison avec leurs anciennes causeries du même genre, que la plénitude leur manquait maintenant, et cet abandon sans arrière-pensée, cette spontanéité, qui avait fait le charme de leurs moindres entretiens, jadis. S’aimaient-ils moins qu’alors ? et leur affection ne serait-elle plus jamais heureuse, jamais délivrée de cet horrible relent d’amertume ? …

Encore, dans ces promenades du matin, comme dans celles de l’après-midi, n’avaient-ils qu’eux-mêmes comme témoins de leur émotion. S’ils ne se communiquaient pas toujours leurs pensées, du moins ils n’avaient pas à se tromper, à jouer la comédie l’un pour l’autre. Il en allait autrement à l’heure des repas. Ils les prenaient dans le salon pour que Berthe pût y assister. Ces immédiats recommencements de la familiarité quotidienne, après des scènes comme celles qui s’étaient déroulées entre les deux amis et la jeune femme, semblent d’abord impossibles. Dans la réalité ils sont tout simples, tout aisés. La vie de famille n’est faite que de cela. Par délicatesse envers leur compagne Olivier et Pierre s’efforçaient de causer gaiement et beaucoup. Cet effort déjà leur était bien pénible. Et puis, les conversations, même les plus surveillées, ont leurs hasards. Une phrase, un mot suffisait, et