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de pins près de Vallauris, où ils avaient parlé d’elle le jour de l’arrivée d’Olivier. Ils n’allaient pas du côté d’Urie, pour ne pas voir la silhouette de la villa Helmholtz blanchir parmi les touffes de ses palmiers. Ils avaient trouvé, derrière une des collines qui servent de contreforts à la Californie, un ravin sauvage, abandonné à cause de son exposition au nord, et, dans ce ravin, une espèce de parc inculte, à vendre par lots depuis des années. C’était là, dans ce fourré sans horizon, qu’ils avaient fini par venir, presque uniquement, comme deux bêtes blessées qui se terrent au même gîte. L’étroitesse des sentiers ne leur permettant plus de passer de front, ils avaient un prétexte pour interrompre toute causerie. Les branches leur fouettaient le visage, leurs mains se déchiraient aux buissons, et ils arrivaient à un ruisselet encaissé au fond de la gorge. Là, ils s’asseyaient sur quelque roche, parmi les hautes fougères. Et le délaissement de ce coin du monde, si solitaire aux portes de la ville élégante, apaisait leur mal commun pour quelques minutes. L’humide fraîcheur de cette végétation poussée à l’ombre leur rappelait des ravines pareilles, dans les bois de Chaméane, et ils pouvaient de nouveau parler, évoquer leur enfance et leurs plus lointains souvenirs d’intimité. On eût dit que, sentant leur amitié tarir, ils fouillaient désespérément la place d’où elle avait jailli pour en raviver la source. De leur enfance, ils passaient à leur première jeunesse, à leurs années de collège, à leurs impressions