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— « Mais pourquoi n’a-t-elle pas parlé ? » s’écria-t-elle. « Pauvre chère créature ! Je voyais bien qu’elle avait quelque chose, les derniers jours. Et c’était cela ! … Mais je veux tout de suite aller chez vous, voir ce Verdier, voir le prince, leur dire la vérité. Il faudra bien qu’ils reconnaissent que Florence ne s’est prêtée à rien de mal… D’ailleurs, j’en ai assez de toujours me cacher, de toujours mentir. Je veux déclarer mon mariage, et dès aujourd’hui. Je n’attendais qu’une occasion pour décider Corancez. La voici… »

— « Et votre frère ? » demanda Ely.

— « Ah ! … Mon frère ? … Mon frère ? … » répéta la Vénitienne. Sur son beau visage où le sang coulait en si fraîches ondées, une rougeur courut à cette évocation, puis une pâleur. Il était visible qu’un dernier combat se livrait dans cette nature longtemps asservie : un reste de terreur y luttait contre la force morale enfin reconquise. Elle avait deux motifs puissants pour être courageuse : son amour, encore exalté par le bonheur et la volupté, puis sa toute récente espérance d’être mère. Elle allait elle-même la dire à Ely, avec la magnifique impudeur, presque l’orgueil des épouses vraiment éprises : — « D’ailleurs, » ajouta-t-elle, « je n’aurai plus le choix longtemps : je crois que je suis enceinte… Mais envoyons chercher Corancez tout de suite. Ce que vous lui conseillerez, vous, il le fera. Insistez… Je ne comprends pas ce qui le fait hésiter.