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d’être accusée justement, et de devoir ou mentir, ou avouer sa honte en implorant pitié ! En même temps elle était saisie d’une véritable indignation contre les procédés d’espionnage employés par l’archiduc pour garder Verdier. Elle retrouvait là ce qui la soulevait de haine contre Olivier depuis la veille : cet attachement de l’homme pour l’homme, cette amitié jalouse de l’amour, hostile à la femme, et la poursuivant, la traquant, par tous les moyens, afin d’en préserver l’ami. Certes le sentiment du prince pour son collaborateur n’était pas tout à fait pareil à celui d’Olivier pour Pierre et de Pierre pour Olivier. C’était l’affection d’un savant pour un compagnon de laboratoire, d’un maître pour son disciple, presque d’un père pour son fils. Mais cette amitié, tout intellectuelle, n’en était pas moins une amitié passionnée, et à se mettre en campagne pour la briser, comme elle fit, aussitôt la Jenny quittée, Mme de Carlsberg éprouvait le soulagement d’une sorte de revanche personnelle. Pauvre revanche et qui ne l’empêcha pas, à travers ces démarches entreprises pour le bonheur d’une autre, d’avoir le cœur ravagé par le désespoir de son propre bonheur perdu… Son premier soin, après sa conversation avec Florence, fut de courir à la villa qu’Andriana occupait sur la route de Fréjus, à l’autre extrémité de Cannes. Elle n’eut besoin de rien demander à la généreuse Italienne. Celle-ci n’eut pas plutôt appris le malentendu qui séparait Verdier et miss Marsh :