Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée

d’Alvise contre un mariage accompli en bonne et due forme devant un vrai prêtre, et quand il manquerait seulement la consécration civile qui, pour la pieuse marquise, ne comptait pas ? Cependant, fidèle au vieil adage que deux précautions valent mieux qu’une, Corancez n’était pas fâché d’avoir à cette cérémonie, pour le jour inévitable de l’explication, quelques personnes de son monde. Comment n’avait-il pas pensé plus tôt à son ancien camarade, retrouvé cet hiver à Cannes, aussi simple de cœur, aussi candide qu’à l’époque où ils suivaient ensemble les classes du lycée Louis-le-Grand, élèves tous deux du collège Saint-André, la fondation, alors récente, du célèbre abbé Taconet ? Cette juvénile candeur, cette franche simplicité de son compagnon d’adolescence, Corancez les avait reconnues dans la première poignée de main échangée à cette rencontre. Il les avait reconnues aussi dans l’innocent entraînement d’Hautefeuille vers la baronne Ely de Carlsberg. Il avait vu croître jour par jour cette passion qu’il venait de révêler à ses deux interlocutrices. Mais, ce qu’il ne leur avait pas dit, il croyait Mme de Carlsberg aussi éprise du jeune homme que ce dernier l’était d’elle. Il eût pu, à cette occasion-là, se vanter justement de sa perspicacité. Elle avait été grande sur ce point comme sur beaucoup d’autres. Pourtant, si observateur fût-il, le Méridional ne prévoyait pas qu’en se servant de sa découverte afin de mieux servir ses propres intérêts, il allait faire, de cet opera-buffa, —