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rabais. Nous les refaisons sur la prairie. Nous les croisons avec des étalons Syriens ; je viens d’en acheter, par le télégraphe, cinq cents au sultan… » Il quitta le nous pour passer au je, exalté par les perspectives grandioses de son entreprise : « Je crée une race nouvelle, admirable pour le service de la cavalerie légère. Je monterai tous les hussards, tous les uhlans et tous les chasseurs d’Europe. J’ai calculé. Je puis livrer mes bêtes à Paris, à Berlin, à Rome, à Vienne, un quart en moins du prix que l’État paie en France, en Allemagne, en Italie et chez vous… Mais il me faut quelqu’un de compétent et de sûr pour veiller à mes haras. J’ai réservé cette place à Chésy. Je lui donne quinze mille dollars par an, ses voyages payés, plus un tant pour cent sur les bénéfices. Vous me direz : « Quand on veut s’enrichir par la charrue, il faut y mettre la main. » C’est vrai. Mais avec le câble, je suis là, pourvu que mon homme ne me vole pas… Chésy est probe. Il s’y connaît en chevaux comme un maquignon. Il m’économise tout ce qu’un filou m’aurait chipé, tout ce qu’un incapable m’aurait gâché. Dans dix ans, il revient en Europe, plus riche qu’avant les conseils de Brion, et sans me rien devoir… Mais acceptera-t-il ? … »

— « C’est tout accepté » répondit Ely. « J’ai rendez-vous avec Yvonne cette après-midi. Elle vous écrira… »

— « Alors, » continua Marsh, » je vais câbler pour qu’on presse leur installation à Marionville