Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/396

Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Voulez-vous que nous allions dans le fumoir ? … » dit l’Américain, que le nom de Mme de Chésy avait soudain fait tressaillir, « Nous y serons mieux pour causer… » On avait, en effet, introduit Ely dans l’office où Marsh se tenait comme toujours. Le tapotement saccadé de la machine à écrire maniée par un des secrétaires ne s’était ni arrêté ni ralenti à l’entrée de la jeune femme, tandis que le second avait continué de télégraphier par téléphone et le troisième de classer des fiches. Cette intensité d’application prouvait l’importance et la hâte du travail. Mais l’homme d’affaires avait laissé là ses dictées et ses calculs, comme un enfant jette son cerceau ou sa balle, pour questionner la messagère d’Yvonne avec une véritable fièvre : — « Ainsi le malheur est arrivé ? Ils sont ruinés ? … » demanda-t-il quand ils furent seuls ; puis, sur la réponse affirmative d’Ely :

— « Avais-je raison ? Je n’ai pas vu la vicomtesse ces temps-ci, et je n’ai pas cherché à la voir. J’ai bien pensé qu’il y avait du Brion là-dessous. J’étais sûr que vous me feriez signe au moment voulu, à moins que… Mais non, il n’y a pas d’à moins que… Je savais que cette brave enfant jugerait cet homme pour ce qu’il est, un abominable cad, et qu’elle le mettrait à la porte, au premier mot qu’il se permettrait sur ses véritables intentions… »

— « Elle est arrivée chez moi, » fit Ely, » toute frémissante, toute révoltée des ignobles propositions de ce drôle… »

— « Ah ! qu’il mériterait un sérieux punishment, »