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je l’ai lu, écrit de ta main ! Oui ou non, l’as-tu écrit ? »

— « Je l’ai écrit, » répondit Olivier, « et j’ai eu tort. Je l’ai cru et je me suis trompé. Ah ! » continua-t-il, avec un réel accent de désespoir, « il faut que ce soit moi, moi, qui la défende auprès de toi ! … Mais si je ne croyais pas qu’elle t’aime, est-ce que je ne serais pas le premier à te dire maintenant : « C’est une infâme ? … » Eh oui ! j’ai pensé qu’elle t’avait pris pour se venger, je l’ai pensé dès le jour de mon arrivée, quand nous nous sommes promenés dans le bois de pins et que tu me l’as nommée. J’ai si bien vu alors, si bien deviné que tu l’aimais, et j’en ai tant souffert ! … » — « Ainsi, tu l’avoues ! » s’écria Pierre. Il se leva, et, saisissant son ami par les épaules, il commença de le secouer avec fureur, en répétant : — « Tu l’avoues ; tu l’avoues ! … Tu as deviné que je l’aimais et tu ne m’as rien dit. Toute une semaine, tu es resté avec moi, à côté de moi, à me regarder donner tout mon cœur, tout ce que j’ai de bon, de dévoué, de tendre en moi, à ton ancienne maîtresse, et tu te taisais ! … Et si je n’avais pas tout appris par ta femme, tu m’aurais laissé m’enfoncer davantage et davantage chaque jour dans cette passion, et pour quelqu’un que tu méprisais ! … Ce n’est pas aujourd’hui qu’il fallait me dire : « C’est une infâme, » mais à la première heure, à la première minute… »

— « Et le pouvais-je ? » interrompit Olivier.