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dans une familiarité athlétique avec des joueurs de tennis ou de golf. Elles sont ingénument et innocemment sensibles à cette beauté animale de l’homme, comme les jeunes Romaines ou les jeunes Grecques.

— « Est-il beau, ton Corancez ! » dit-elle à la marquise, « Et puis, il a tant de gaieté, tant d’entrain ! Pour moi, c’est le Français typique, celui que je me figurais, à Marionville, quand je lisais les romans d’Alexandre Dumas, un vrai d’Artagnan. Que tu seras heureuse avec lui ! … »

— « Bien heureuse ! » dit l’Italienne, — qui répéta, comme saisie d’un funeste pressentiment : « Bien heureuse, mais Dieu ne le permettra pas. »

— « Dieu permet tout ce qu’on veut, lorsqu’on le veut bien et que c’est juste, » fit miss Florence.

— « Non, » reprit l’autre, « J’ai déjà dû trop mentir à Alvise. J’en serai punie… »

— « Si c’est ta pensée, » dit l’Américaine, « pourquoi ne parles-tu pas à ton frère ? Veux-tu m’en charger ? Cinq minutes de conversation, et tu n’as plus un seul mensonge sur la conscience. Tu es dans ton droit de te marier, je suppose. L’argent est à toi. De quoi as-tu peur ? … »

— « Tu ne connais pas Alvise, » répliqua Mme Bonaccorsi, dont le visage exprima une véritable épouvante. « Et s’il allait le provoquer en duel et me le tuer ? … Enfin, faisons comme il est convenu, et que la Madone nous protège ! … »

Elle ferma les yeux une seconde en laissant échapper ce soupir. Florence Marsh la regardait