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outrageait ainsi une maîtresse idolâtrée la veille encore, tant de douleur ! Et puis Olivier avait dans l’oreille l’accent si vrai, si passionné de cette femme parlant de son amour ; une invincible magnanimité le contraignait d’en porter témoignage, et il répéta : — « Non, tu n’en as pas le droit. Non, elle n’a été avec toi ni une libertine ni une hypocrite ! Elle t’a aimé, elle t’aime profondément, passionnément… Sois juste : pouvait-elle te dire ce que tu sais maintenant ? Si elle t’a menti, ç’a été pour te garder, parce que tu étais le premier, l’unique amour de sa vie… »

— « Ce n’est pas vrai, » interrompit amèrement Hautefeuille : « il n’y a pas d’amour sans une sincérité complète… Mais je lui aurais tout pardonné, si j’avais tout su par elle !.. Et puis, il y a eu un premier jour, une première heure… Je me le rappelle, moi, ce jour, je ne l’ai pas oubliée, cette heure… Nous avons parlé de toi, dès ce moment-là. Je l’entends encore prononcer ton nom. Je ne lui ai pas caché combien je t’aimais. Elle savait par toi combien tu m’aimais… C’était si simple de ne pas me revoir, de ne pas m’attirer, de ne pas me prendre ! Il y a tant d’autres hommes de par le monde pour qui ce passé n’aurait été que du passé ! … Mais non : ce qu’elle voulait, c’était une vengeance ; une ignoble vengeance. Tu l’avais quittée. Tu t’étais marié. Elle m’a ramassé, comme un assassin ramasse un couteau, pour te frapper, toi, en plein cœur… Ose me dire non… Mais je l’ai lu, que tu crois cela,