Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/372

Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Berthe ? » s’écria Olivier, « mais quand je l’ai quittée ce matin, elle semblait si gaie, si bien portante ! … »

— « C’est elle qui m’a dit où tu étais, » continua Hautefeuille sans répondre directement. « Elle avait trouvé par hasard, dans tes papiers, une photographie datée de Rome et signée d’un prénom, un prénom très rare. Elle a entendu quelqu’un ici prononcer devant elle ce prénom. Elle a deviné que la personne qui s’appelle ainsi et qui vit à Cannes était celle du portrait de Rome. Elle a surpris des brouillons de lettres déchirés où se trouvait ce même prénom, et où tu demandais à cette personne un rendez-vous. Enfin, elle sait tout… »

— « Et toi aussi ? » demanda Olivier après un silence.

— « Et moi aussi, » répondit Pierre.

Les deux amis n’échangèrent pas un mot de plus durant le quart d’heure que mit la voiture à gagner l’hôtel des Palmes. Que se seraient-ils dit, en ce moment, qui pût augmenter ou diminuer la cruelle angoisse qui leur serrait la gorge à tous deux ? Sitôt descendu de voiture, Olivier monta droit chez sa femme sans demander à Pierre et sans que Pierre lui demandât quand ils se retrouveraient. On a de ces silences au chevet d’un mort, quand l’âme est comme glacée par la première impression de l’irréparable, comme étouffée par l’étreinte du « jamais plus » … La crise de détente et d’expansion qui suit de pareilles secousses commença