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bien autre encore. Il tremblait tellement lui-même et ses traits exprimaient une telle angoisse que Berthe vit dans ce trouble un aveu de complicité. Cette nouvelle preuve, après tant d’autres, qu’elle avait deviné juste, fut si douloureuse à la pauvre femme qu’elle eut, là, sous les yeux du jeune homme, une véritable crise nerveuse. Elle fit signe que le souffle lui manquait, puis que son cœur palpitait à l’étouffer. Elle porta les mains à son sein gauche en disant : « Ah ! mon Dieu ! … » d’une voix qui s’étranglait dans sa gorge ; et elle s’affaissa sur le tapis, la tête ballante, les yeux révulsés, un peu d’écume au coin des lèvres, comme si elle allait mourir… L’épouvante de cette agonie, la nécessité d’y porter remède, d’appeler la femme de chambre, d’envoyer chez le docteur, d’attendre son diagnostic, sauvèrent peut-être Pierre. Ces humbles soins matériels lui firent passer, du moins, cette première demi-heure après laquelle on survit à toutes les révélations, si effroyables soient-elles. Il ne reprit la conscience de son propre malheur qu’une fois rassuré sur l’état de la jeune femme, après le départ du médecin. Celui-ci avait ordonné des antispasmodiques et promis de revenir dans la soirée. Quoiqu’il ne parût pas être très inquiet, l’indisposition était assez sérieuse pour que la présence du mari soit nécessaire. Hautefeuille avait dit : « Je vais chercher M. Du Prat… » et il s’était mis en route vers la villa Helmholtz. Ce fut là, et tandis que sa