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repris Berthe avec plus de violence. « Vous me ménagez ! … Mais puisque je vous jure que je sais tout… Vous faut-il des preuves ? Voulez-vous que je vous dise ce dont vous avez parlé dans votre première conversation quand vous m’avez laissée seule à l’hôtel, le premier jour ? ce dont vous parlez chaque fois que je ne suis pas là ? … De cette femme qui a été sa maîtresse à Rome, à laquelle il n’a pas cessé de penser… Il avait emporté son portrait avec lui dans notre voyage de noces ! Je l’ai vu, ce portrait. Je vous dis que je l’ai vu. C’est comme cela que j’ai su son nom ; il était signé en bas : « Ely » … Vous êtes convaincu, maintenant ? … Est-ce que vous croyez que je n’ai pas vu votre trouble, à tous deux, quand on l’a nommée devant moi, le jour où nous sommes allés à Monte-Carlo ? Et puis, vous avez pensé que je n’avais rien remarqué, rien soupçonné… Je sais, entendez-vous, je sais qu’elle est ici, je vous dirai le nom de sa villa si vous voulez : la villa Helmholtz… Je sais qu’il n’est venu à Cannes que pour la revoir. Et il est là-bas maintenant, j’en suis sûre… Il est chez elle. Ne me dites pas non. J’ai là les brouillons des lettres qu’il lui a écrites cette nuit, pour lui demander un rendez-vous… »

Et de ses pauvres mains qui pouvaient à peine tenir les feuilles de papier sur lesquelles elle avait étalé ces fragments dénonciateurs patiemment réunis, elle montrait à Pierre tous ces commencements de billets, parmi lesquels se trouvait la ligne irréfutable et qui, pour lui, avait une signification