Page:Bourget - Une idylle tragique, Plon-Nourrit.djvu/338

Cette page n’a pas encore été corrigée

profondes de sa nature. Il se ramasse, il se replie sur le centre même de sa personne, sur son individu le plus intime. Au milieu d’une société raffinée jusqu’à l’excès et composite jusqu’au factice, Ely se distinguait par le besoin et l’énergie de la vérité. Comme elle l’avait dit à sa confidente dans les allées du jardin Brion, par cette nuit si récente, — si lointaine, — c’était la vérité de l’âme chez Hautefeuille qui l’avait attirée, charmée, séduite. C’était pour vivre une vraie vie, pour éprouver de vraies émotions, qu’elle s’était précipitée dans cet amour dont elle avait jugé par avance les pires dangers. Après avoir, en pensée, pris et repris, accepté et rejeté vingt projets, elle finit par décider avec elle-même qu’elle s’appuierait encore sur la seule vérité dans la scène redoutable qui se préparait, et elle se dit :

— « Je lui montrerai mon cœur tel qu’il est. Il marchera dessus s’il en a la force… »

Telle était la politique à laquelle s’arrêta, au terme de cette anxieuse insomnie, cette femme capable de bien des égarements, incapable d’un bas calcul, et d’une mesquinerie du cœur. Elle y trouva, non pas l’oubli d’un péril trop imminent, mais ce calme dans le courage que procure à la créature humaine le fait d’être absolument, complètement dans la logique de ce qu’elle sent, de ce qu’elle croit, de ce qu’elle veut. Aussi ne fut-elle pas émue autant qu’elle-même s’y attendait, quand, vers les dix heures, elle reçut un billet qui lui montra combien elle avait deviné juste. Ce billet