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moyen de brouiller Florence avec Verdier… Allons, à tout à l’heure… Et ne vous laissez pas trop attrister par les misères du mariage de votre ami.., Je vous le jure, il y en a de pires… » Elle remuait, en parlant, un grand éventail de plumes blanches. Le parfum qu’elle préférait, ce parfum associé pour le jeune homme aux plus voluptueuses émotions, flottait autour de ces souples plumes. Elle inclina doucement la tête en signe d’adieu, et ses doux yeux sombres clignèrent avec cette tendre finesse de complicité qui met comme un invisible baiser sur le cœur d’un amant. Mais, à cet instant, Pierre n’était pas capable de sentir cette douceur. Il venait de subir à nouveau, en présence de l’archiduc, ce chagrin, la plus affreuse rançon de l’adultère : voir celle que l’on aime maltraitée par un homme qui a le droit de la maltraiter, parce qu’il est le mari, et ne pas pouvoir la défendre. Il la regardait maintenant s’éloigner avec sa démarche de reine, si belle, si élégante, et son port si fier dans sa robe de moire rose lamée d’argent. Il discernait sur cet admirable visage, qu’il voyait de profit, tandis qu’elle traversait le salon, une trace de mélancolie profonde ; et, une fois de plus, il la plaignait, avec tout son cœur, des duretés de son mariage. Il ne soupçonnait guère que les ironies de l’archiduc laissaient en ce moment Mme de Carlsberg très indifférente. Les amours de miss Marsh avec Verdier ne l’intéressaient pas non plus assez pour qu’une menace suspendue sur eux l’accablât ainsi. Non. Ce qui pesait sur l’esprit de la jeune